L’histoire de Saint Jacques de Compostelle

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Saint Jacques de Compostelle n’est pas à l’origine une ville chrétienne. Les Celtes et les Romains avaient déjà investi depuis bien longtemps le nord-ouest de l’Espagne et du Portugal, appelé alors Gallaecia. La ville de Finisterre (finis terrae en latin signifiant le bout de la terre) était notamment considérée comme un lieu de culte où ils y honoraient leurs dieux. C’est seulement au Moyen-âge avec la (prétendue) découverte du tombeau et des reliques de Saint-Jacques-le-Majeur que le pèlerinage de Compostelle tel que nous le connaissons est né. Depuis, au fil des siècles et jusqu’à nos jours, des centaines de milliers de pèlerins ont afflué vers la ville de Santiago de Compostela. C’est aujourd’hui un troisième lieu de pèlerinage majeur du monde chrétien avec Jérusalem et Rome. Nous vous dévoilons ici tous les secrets de l’histoire de Saint Jacques de Compostelle et l’histoire mouvementée des pèlerinages de Compostelle depuis le début de notre ère jusqu’à nos jours.

Si ce n’est déjà fait, vous voudrez sans doute télécharger notre checklist pour préparer facilement votre sac et ne rien oublier tout en ayant un poids raisonnable sur le dos : cliquez ici pour télécharger la checklist gratuitement !

Histoire de Saint Jacques de Compostelle : ce que la légende dit

Histoire de Saint Jacques de Compostelle Statue du Pèlerin à Finisterre

Depuis l’an 206 avant Jésus-Christ, l’Espagne est occupée par les Romains. Une colonie romaine appelée Asseconia aurait d’ailleurs existé sur le site de l’actuelle Compostelle.

Selon la tradition chrétienne, la légende raconte qu’après l’Ascension de Jésus, Jacques le Majeur (l’un des 12 apôtres du Christ et l’un de ses 4 premiers disciples avec Jean, Pierre et son frère André) s’est rendu dans la péninsule ibérique avec pour but de l’évangéliser.

Après 7 années à prêcher l’Évangile sans succès, on dit qu’il est retourné à Jérusalem où il fut décapité en l’an 44 après Jésus-Christ par ordre du roi Hérode Agrippa.

Son corps aurait alors été miraculeusement transporté dans une barque par deux de ses disciples (Athanase et Théodore) jusqu’aux côtes espagnoles de Galice où ils s’échouèrent. Ils auraient tous été enterrés à Santiago de Compostela. Une basilique y fut construite en l’honneur de l’apôtre Saint-Jacques le Majeur, qui deviendra l’actuelle cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle.

En raison de la persécution sévère des chrétiens par les empereurs romains, des incursions successives des Wisigoths et de la domination mauresque islamique, les tombes des saints hommes ont ensuite été oubliées à partir du IIIe siècle.

La découverte du tombeau de Saint-Jacques le Majeur

La manière dont a été découvert le tombeau de St-Jacques le Majeur, tout comme sa vie ou les circonstances de sa mort, n’ont pas réellement été prouvés par les historiens. Néanmoins, la légende dit qu’entre 818 et 834, un ermite Pelayo (Pelagius) vivait sur le mont Pedroso près de l’église de San Felix de Solvio, non loin d’Iria Flavia (aujourd’hui la ville de Padrón). Une nuit, des anges lui auraient révélé l’emplacement de la tombe de l’apôtre Jacques le Majeur non loin. Dans l’obscurité de la nuit, d’étranges phénomènes de lumière pouvaient alors être vus au-dessus de la tombe, autour d’une étoile scintillante.

Le pieux ermite a immédiatement informé l’évêque Théodémir (+847) d’Iria Flavia. Il se rendit sur le site et trouva en effet dans le sous-bois un tombeau contenant 3 sarcophages, avec un petit autel au milieu. Après en avoir examiné les ossements, l’évêque a déclaré que c’était le dernier lieu de repos de l’apôtre Jacques et de ses 2 disciples, dont la mémoire était perdue depuis des siècles. Alfonso II le Chaste (789-842), alors roi des Asturies et de Galice, fut informé de cette découverte miraculeuse. Il a immédiatement proclamé Jacques son saint patron et a immédiatement fait ériger une chapelle au-dessus du tombeau : la future cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Les premiers pèlerins

Alfonso II le Chaste fut le premier pèlerin d’Oviedo à se rendre sur la tombe de Saint Jacques, initiant le premier et le plus ancien chemin de pèlerinage d’Oviedo par les villes de Las Regueras, Grado, Salas, Tineo, Allaude et Grandas de Salima jusqu’à Compostelle.

Cathédrale d'Oviedo en Asturies en Espagne

Sur les traces du monarque asturien, dans la première moitié du 9ème siècle, de nombreuses personnes du royaume chrétien des Asturies ont probablement déjà fait un pèlerinage vers le tombeau de Saint-Jacques via les routes du nord de la péninsule ibérique notamment (le Camino del Norte par exemple). Cependant, aucune source écrite n’est disponible sur l’étendue de ce culte naissant.

Les premiers pèlerins étrangers que nous connaissons de sources sûres étaient Godeschalk, évêque du Puy en l’an 950 et vers 959 l’abbé Caetarius de l’abbaye de Montserrat.

Des chemins de pèlerinage qui se créent partout en Europe

Le pèlerinage vers Santiago de Compostela connaîtra son apogée du 12ème au 15ème siècle. Au 12ème siècle, un demi-million de pèlerins se rendaient chaque année à St-Jacques-de-Compostelle.

Petit à petit, la tradition jacquaire et le pèlerinage de Compostelle quittent l’atmosphère limitée de l’église espagnole et s’ouvrent à l’Europe chrétienne. Différents facteurs l’ont influencé, tels que l’installation des marchands et artisans dans les villes le long des routes de pèlerinage et l’influence des puissants moines de Cluny dans l’organisation des itinéraires de pèlerinage.

A cette époque, l’abbaye de Cluny avait effectivement une influence religieuse relativement importante. Elle avait pour ambition d’assainir l’Espagne, menacée par les maures islamiques. Cluny construisait un réseau religieux qui s’étendait de la Bourgogne à Santiago. En outre, Cluny a fortement déterminé la politique et l’avenir de l’Espagne à partir des conseils que les moines donnaient aux princes espagnols et parce qu’ils entretenaient de bonnes relations avec la France et l’Espagne.

Le déclin des chemins de pèlerinage

Puis, du 16ème à la fin du 20ème siècle, une série d’événements a provoqué le déclin du pèlerinage à St-Jacques de Compostelle. La fréquentation du chemin tombe même à presque zéro certaines années.

Le 16ème siècle marque le début du déclin des chemins de Compostelle

Ce déclin s’explique de différentes manières.

  • Les humanistes tels qu’Erasme ont émis des doutes et critiques à propos de l’authenticité de la tombe de Jacques le Majeur et de toutes les légendes qui l’entourent.
  • Le grand mouvement religieux la Réforme, introduite par Luther (1522) et par Calvin, condamna radicalement les pèlerinages et le culte des reliques associés. La Réforme notamment a porté un coup presque fatal aux pèlerinages de Compostelle dans les pays protestants, comme le nord des Pays-Bas, la Scandinavie, l’Angleterre, l’Allemagne, la Suisse, etc. Dans les pays catholiques comme la France, l’Italie, le Portugal, l’Espagne et le sud des Pays-Bas (Flandre ) les pèlerinages ont plus ou moins réussi à se maintenir, mais une nette stagnation était perceptible.
  • Les guerres de religion sanglantes de la 2ème moitié du siècle ont mis un frein lourd aux pèlerinages.
  • Ensuite, il y avait les abus, comme le nombre croissant de vagabonds, appelés faux pèlerins ou « coquillards », qui attaquaient, volaient et discréditaient les vrais pèlerins.
  • Enfin, il y avait la rage de la peste bubonique, la soi-disant « peste noire », qui a éclaté au 14ème siècle. Cette pandémie meurtrière, qui en Europe à elle seule a déjà fait des millions de victimes (environ 30% de la population!), A naturellement mis le pèlerinage vers des destinations lointaines, comme Compostelle, en veilleuse.

L’église et les monastères en difficulté

Aux 13ème et 14ème siècles, le réseau de monastères comme celui de Cluny s’affaiblit. La richesse de certains abbés et monastères était choquante et des situations étranges se produisaient dans de nombreux monastères. À Nájera, par exemple, les moines avaient fondé vers 1314 de grandes familles qui vivaient de l’argent du monastère. Les excès des prêtres vivant en concubinage vont si loin qu’à partir de 1288, Cluny édicte des règles pour leur enseigner la discipline monastique. Sur une période de 200 ans, de nombreux cas d’inconduite se sont produits chaque année.

Mais le coup de grâce pour l’abbaye de Cluny fut donné en 1344 par Alphonse XI, roi de Castille, qui imposa des taxes pour financer sa guerre contre les Maures.

Enfin, le Grand Schisme d’Occident (la crise pontificale qui touche le christianisme latin entre 1378-1417) divise pendant quarante ans l’Europe chrétienne en deux courants rivaux : un pape à Rome et un contre-pape à Avignon. Cela a aggravé la crise monastique et accéléré le déclin du pèlerinage.

Famine, peste et guerres

Au début du 14ème siècle, la participation au pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle a commencé à décliner davantage.
La situation dans le sud de l’Espagne contre les musulmans exige de plus en plus d’attention de la part du royaume de Castille. Au détriment des zones déjà libérées dans le nord.

La Grande Famine (1325-1322) est la première d’une série de crises européennes de grande ampleur. Entre 1347 et 1351, l’Europe a perdu un tiers de sa population à la suite d’une importante épidémie de peste. Vers 1430 commence le petit âge glaciaire, qui durera jusqu’au milieu du 17ème siècle.

Les guerres s’enchaînent également pendant de nombreuses années : la guerre de Cent Ans franco-anglaise, la guerre hispano-anglaise, la guerre franco-espagnole, la guerre de Succession d’Espagne, la bataille de Vigo

Pour toutes ces raisons, la fréquentation chute drastiquement sur les chemins.

Le renouveau du chemin de Compostelle

À la fin du 19ème siècle, le pèlerinage à St-Jacques-de-Compostelle se meurt. Les reliques de St-Jacques étaient encore perdues et Saint-Jacques de Compostelle gisait dans un coin pauvre du pays. Mais comme dans d’autres régions d’Espagne à l’époque, le nationalisme commence à se manifester.

Au 20ème siècle, les pèlerinages sont à nouveau organisés sous la responsabilité de différents diocèses. Mais la première République espagnole et la guerre civile frustrent les envies des Galiciens. Vazquez de Parga, l’un des plus grands spécialistes jacquaires, José María Lacarra et Juan Uria affirment même que les pèlerinages des années 1940 sont tombés au “format d’une carte postale”.

La véritable renaissance du Chemin ne commence que dans les années 1990. L’inscription des Chemins de Compostelle sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1993 a également été décisive.

Mais avant cela, il y a d’autres facteurs qui ont contribué à la relance du pèlerinage en Europe.

Les reliques perdues sont retrouvées

Miguel Payá y Rico, évêque de la cathédrale de St-Jacques-de-Compostelle, commande des travaux de restauration de l’église. Le 28 janvier 1879, une urne contenant des restes humains a été trouvée derrière l’autel principal. Le 8 juin 1884, le pape Léon XIII déclare dans sa lettre apostolique Deus Omnipotens que les reliques de Santiago perdues depuis 1590 ont été retrouvées. Il excommunie toute personne qui dit le contraire. Depuis, l’Église catholique a tempéré sa position sans confirmer ni infirmer cette découverte. Le Vatican ne parle plus de la tombe de Saint-Jacques mais d’un mémorial dédié à ce saint.

La fête nationale du 25 juillet

En 1919, l’organisation nationaliste Irmandades da Fala a déclaré que le 25 juillet (25 de Xullo), jour du nom de Santiago, était la fête nationale de la Galice. Pendant la dictature franquiste (1939-1977), elle était interdite. Mais après la disparition de Franco en 1977, la fête a été progressivement rétablie au milieu des années 1980. Le regain de nationalisme en Galice et le culte de Saint-Jacques ont également conduit à ce que Saint-Jacques de Compostelle devienne la capitale de la région autonome de Galice en 1981, au détriment de La Corogne.

Le 25 juillet est désormais une fête nationale célébrée avec exubérance en Galice. Les festivités commencent en amont et durent au total 15 jours. Lors de la grand-messe du 25 juillet dans la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, un représentant de la famille royale espagnole rend hommage à St-Jacques.

Comme Santiago est également le saint patron de nombreux autres villages, villes et églises espagnols, le 25 juillet est également largement célébré dans tout le pays.

Création des associations des Amis de Saint-Jacques

Après la Seconde Guerre mondiale, quelques prêtres et universitaires se mobilisent pour relancer le pèlerinage en fondant des associations avec le slogan “Devenez un ami du Chemin”.

En 1950, à l’occasion du millième anniversaire du pèlerinage de Mgr Godescalc, évêque du Puy-en-Velay, la Société des Amis de Saint-Jacques de Compostelle est donc fondée à Paris. En 1962, la première association jacquaire hispano-basque est fondée à Estella : Los Amigos del Camino de Santiago de Estella.

Toutes ces associations ont un but commun : diffuser les connaissances sur la route des pèlerinages et faire reconnaître le tourisme culturel autour du Chemin comme un phénomène européen.

Elías Valiña Sampedro et son balisage : l’incontournable flèche jaune

Don Elías Valiña Sampredo (1929-1989), alors prêtre de Cebreiro, obtient son diplôme à l’université de Salamanque en 1965 grâce à son mémoire sur la route du pèlerinage. En 1984, il commence à marquer le chemin de pèlerinage avec des flèches jaunes. Le Camino Francés sera ensuite totalement balisé pour les grandes foires et expositions internationales

Visites papales à Saint-Jacques-de-Compostelle

Le pape Jean-Paul II a effectué un voyage apostolique à travers l’Espagne en 1982, à l’occasion du 400e anniversaire de la mort de Sainte Thérèse d’Ávila. Il préside alors la “Messe pour les peuples d’Europe” dans la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle.

En 1989, lors de sa visite pastorale à l’occasion de la 4ème Journée mondiale de la jeunesse, le pape Jean-Paul II se rend à Oviedo et à Covadonga, entre autres. Le 20 août, il a prononcé un discours à Saint-Jacques de Compostelle, “N’ayez pas peur d’être saints!”.

Ces voyages ont été faits comme un pèlerinage et auraient inspiré beaucoup de gens à suivre l’exemple du pape.

Reconnaissance du chemin de pèlerinage en tant que bien du patrimoine culturel européen et mondial

Le gouvernement espagnol suit les autorités françaises en demandant l’inscription du Camino au patrimoine culturel européen et de reconnaître qu’il a contribué à l’unification de l’Europe.

En 1987, le Conseil de l’Europe déclare que le Camino est le premier itinéraire culturel de l’Europe. L’Unesco suit en 1993 avec l’inscription du chemin espagnol sur la liste du patrimoine mondial. La publicité associée à ces reconnaissances encourage les pèlerins à parcourir notamment le Camino Francés qui devient le plus populaire, car cet itinéraire est un peu plus facile que les autres.

En outre, les autorités régionales du nord de l’Espagne (la Galice, bien sûr, mais aussi la Navarre, par exemple) investissent dans la réhabilitation des sentiers auparavant laissés à l’abandon. Des auberges municipales de pèlerinage sont également créées. Les entreprises locales suivent avec des auberges de pèlerins privées, des magasins et des restaurants.

Groupe de pèlerins ayant posé leurs sacs à dos sur la place Obradoiro à Santiago de Compostela

Les années 2000 : une explosion du nombre de pèlerins mais pas uniquement…

Les années 2000 marqueront un tournant dans la fréquentation des chemins. En 2000, plus de 55 000 pèlerins se sont enregistrés au Bureau des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. En 2019, ils sont 347 578 comptabilisés soit plus de 6 fois plus de pèlerins.

Différentes critiques émergeront rapidement néanmoins. Un grand nombre de pèlerins eux ne parcourent que les 100 derniers kilomètres et il y aussi beaucoup de turigrinos qui regardent de haut les gérants d’hébergements des chemins et les hospitaliers bénévoles qui font de leur mieux pour aider chaque pèlerin.

Turigrino est une contraction des mots espagnols turista et peregrino – touriste et pèlerin.

Ces touristes-pèlerins profitent des avantages offerts aux vrais pèlerins pour passer des vacances bon marché.

Cette évolution soulève la question de savoir si tous ceux qui se rendent à St-Jacques de Compostelle sont de véritables pèlerins. Un nombre croissant de voyageurs sont des “caminante” (marcheurs) ou des “ciclista” (cyclistes) ordinaires, au lieu de “peregrino” (pèlerins à pied) ou “bicigrino” (pèlerins à vélo).

Sur la base d’études réalisées sur les motivations des pèlerins, le Bureau des pèlerins de la ville de Santiago de Compostela a réagi en réservant aux véritables pèlerins la Compostela, document délivré qui prouve que le voyage à Saint-Jacques-de-Compostelle a été effectué conformément aux règles. Pour ceux qui sont arrivés uniquement pour des raisons “culturelles”, il existe le “certificado de distancia“.

Malgré tout, le chemin de Compostelle ne sera jamais un sentier de grande randonnée comme les autres. Aux dires des pèlerins qui y cheminent, il comporte une énergie, une magie unique et incomparable, que vous ne retrouverez nul part ailleurs.

Vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire de Saint-Jacques de Compostelle et des pèlerinages ?

De nombreuses ressources existent sur Compostelle et son pèlerinage. Voici une sélection non-exhaustive des sites d’organisations officielles traitant de ce sujet :

– le site de l’ACIR Compostelle
– le site de l’UNESCO
– le site de la Fédération française des Associations jacquaires
– le site officiel du bureau des pèlerins de Compostelle

La zone de commentaires pour échanger sur Compostelle

Tout comme sur les chemins, ce blog a pour première vocation d’échanger et de partager nos expériences. N’hésitez pas à laisser votre commentaire ci-dessous.